Jean-Luc Wertenschlag est ce que l’on appelle un « aidant de première ligne ». Habitant au-dessus du bar « la belle équipe », il a assisté de sa fenêtre, le soir du 13 novembre 2015 à l’attentat perpétré par trois terroristes djihadistes qui ont causé la mort de 21 victimes et occasionné des dizaines de blessés. Dans une logique d’altruisme et de secours, n’écoutant que son courage, il est immédiatement descendu de chez lui, muni de sa seule trousse de secours, pour prodiguer comme il le pouvait les premiers secours aux victimes grièvement blessées.
Son ouvrage, fruit de son expérience personnelle et de son vécu, a le mérite d’attirer l’attention sur le comportement altruiste et héroïque de ceux qui sont intervenus ce soir-là au secours des victimes. Il a aussi l’intérêt de tracer des solutions dans deux problématiques importantes : la formation des citoyens aux premiers secours et la reconnaissance de leur statut.
L’intérêt d’abord de former le plus possible les citoyens de notre pays aux gestes des premiers secours. En France aujourd‘hui, un français sur trois déclare ne pas savoir être en mesure d’effectuer le moindre geste de premier secours. Pourtant, quelle que soient la rapidité des délais d’intervention des pompiers et des services des SAMU et leur très grand professionnalisme unanimement reconnu, face à des blessures graves, particulièrement en cas d’usage d’armes de guerre comme ce fut le cas le soir du 13 novembre 2015, les premières minutes sont capitales pour sauver des vies. Certains décès se produisent en effet à cause d’une hémorragie massive pendant une courte période en attendant l’arrivée des secours. Les premières minutes sont donc, capitales et une intervention de premier secours appropriée, telle la pose d’un garrot pour stopper une hémorragie, peut permettre de sauver une vie.
Procureur de la République de Paris, J’étais une heure après, sur les lieux des attentats le soir du vendredi 13 novembre et notamment sur plusieurs terrasses de cafés parisiens, et j’ai perçu moi aussi cette problématique, à tel point que quelques semaines après les attentats, mes collègues de la section antiterroriste et des sections de permanence du parquet de Paris et moi, nous avons suivi une formation « premiers secours » dispensée à ma demande par les sapeurs-pompiers de Paris.
Le livre de Jean-Luc Wertenschlag, s’appuyant sur le rapport Faure – Pelloux d’avril 2017, et sur ses conclusions de mission de préfiguration sur la généralisation de la formation aux gestes qui sauvent (rapport commandé par Juliette Méadel, alors secrétaire d’Etat aux victimes), préconise un certain nombre de solutions en termes de formation des citoyens et d’équipement en trousse d’urgence appropriée au type de blessures subies et donc à la traumatologie des attentats terroristes.
L’intérêt ensuite de trouver et de formaliser un véritable statut des « sauveteurs citoyens », c’est-à-dire des aidants en première ligne. Celui-ci est bien sûr, au terme de la jurisprudence administrative, un collaborateur occasionnel du service public mais son rôle doit être véritablement reconnu et ses préjudices totalement indemnisés par la puissance publique car c’est véritablement au nom de l’intérêt général que « l’aidant en première ligne » est intervenu pour prodiguer les premiers soins aux victimes.
Nul doute que cet ouvrage, par les nombreuses réflexions qu’il contient, contribuera à faire avancer les choses.
François MOLINS
Procureur général honoraire près la Cour de cassation