ça commence comme ça

*

TEMPS UN

Avais-je rendez-vous avec les attentats ?

Vendredi 13 novembre 2015, Opale et moi regardons NCIS à la télé dans le salon. Nathalie est partie travailler pour sa nuit à l’hôpital.

Une série de déflagrations transperce la pièce. Qu’est-ce que c’est que ces bruits de pétards ??? Non, c’est bien trop fort, on dirait un marteau-piqueur en plus sec, en plus rapide. Mon expérience des armes à feu acquise lors de mon service militaire, me revient à l’esprit. Non, ce sont des rafales d’armes automatiques … des tirs de Kalachnikov !

Je bondis hors du canapé et crie à ma fille sors de la pièce ! Le ton de ma voix est impératif. Mon ado m’obéit sans discuter. Elle a pâli, les yeux écarquillés. Interrogative. Je n’ai pas de réponse. Ensemble, nous nous réfugions à l’autre bout de l’appartement, à bonne distance de la baie vitrée donnant sur le carrefour, loin de la ligne de feu et d’éventuels tirs. Cela fait près de trente ans que j’habite cet appartement  et  le  restaurant  en  bas  s’appelait  Le Méditerranée. A l’époque, ce resto avait une réputation un peu louche. Mais c’était il y a longtemps. Aujourd’hui c’est un endroit vivant, branché et fréquenté par des jeunes. C’est peut-être un règlement de comptes !

Dehors, les tirs continuent en courtes rafales. Comme si le sélecteur de tir était sur ce mode ! On dirait des professionnels ! Les cris de panique des clients de la terrasse et des passants pénètrent dans les cours des immeubles. Les arrière-cours parisiennes, les courettes comme on dit, possèdent une particularité. Elles sont de véritables caisses de résonnance, amplifiant les sons de la rue. Le bruit est d’une violence incroyable! Un écho d’effroi se répand. Plus rien n’existe, plus aucun bruit de la vie quotidienne, seulement des tirs en rafales et les hurlements de terreur qui se répondent et volent au-dessus les toits. A cet instant, j’ai une obsession : prévenir la police. Dans le couloir, je récupère le téléphone fixe. Je compose le 17 et passe le combiné à Opale, ne quittez pas, nous allons donner suite à votre appel, nous vous rappelons que votre message est susceptible d’être enregistré …

Nous devons être nombreux à tenter de les joindre. Je pense au commissariat du 11ème arrondissement, situé à six cents mètres d’ici. J’ai le numéro enregistré dans mon portable. J’appelle. Même résultat, ne quittez pas, nous allons donner suite à votre appel …

Je suis en attente sur les deux téléphones.

Ne quittez pas, nous allons donner suite à votre appel, nous vous rappelons que votre message est susceptible d’être enregistré …Mais répondez-moi ! Je ne demande que ça que d’être enregistré, bordel !

@ Fred Dewilde